
L'interview d'un chercheur
Nous avons interrogé un chercheur, docteur en biologie à l’université de Luxembourg, spécialisé dans le sang, Mr. Fabrice Tolle docteur à l'université du luxembourg.
Au cours de cette interview nous lui avons posé quelques questions :
1. Où en est la recherche dans la fabrication de sang artificiel ? quelle méthode privilégie la recherche ? (Nous savons qu’il y a par exemple le ver marin arénicole mais aussi les cellules souches etc.)
Alors, je ne suis pas totalement au courant de tout ce qui se fait dans ce domaine…mais je pense que de nombreuses études publiques et privées (industrielles) sont en cours car cela représente le challenge de ce début du 21eme cycle, au même niveau que de soigner totalement le cancer !!!
2. Quelle est la différence entre les cellules souches embryonnaires et adultes ?
Alors, les cellules souches (embryonnaire ou adulte) ont chacune des avantages et désavantages pour ce qui est de leur potentiel utilisation thérapie de régénération tissulaire. La majeure différence entre les cellules souche adulte et embryonnaire est au niveau du nombre de types cellulaires qu’elles peuvent générer. Les cellules souches embryonnaires peuvent se différencier en tout type de cellule composant le corps humain car ces cellules sont dites pluripotentes. Les cellules souches adultes sont quant à elles limitées à pouvoir se différencier en tout type cellulaire composant le tissu dont elles sont issues.
Les cellules souches embryonnaires peuvent être cultivées in vitro relativement facilement. Les cellules souches adultes sont quant à elles assez rares dans les tissus matures, ainsi leur isolation représente un défi et la culture in vitro de ces dernières est très complexe et reste encore non élucidée. C’est une distinction très importante au vu du très grand nombre de cellules nécessaires pour les thérapies cellulaires « de remplacement ».
3. A partir de quel moment pouvons-nous appeler les cellules souches des cellules souches adultes ?
Les cellules souches embryonnaires sont des cellules issues du stade blastocyste d’un embryon humain préimplantatoire (50 à 150 cellules). Toutes les autres cellules souches sont dites cellules souches adultes.
4. Que pensez-vous des néohémocytes ? Nous avons essayé d’extraire de l’hémoglobine et de l’encapsuler dans des micelles inversées, pensez-vous que nous ayons compris le principe ?
Ne travaillant pas du tout sur des procédés chimiques de production, je ne peux pas réellement me prononcer. Mais ce que je pense est que l’alternative chimique est toujours le premier pas avant de trouver la solution biologique.
Sur le deuxième point, je pense que oui, vous avez compris le principe. Pour expliquer de façon simple : il faut donc extraire de l’Hb (lyse de globule rouge ou génie biologique par exemple) puis l’encapsuler dans des vésicules de phospholipides et cholestérol (composants principaux des membranes plasmiques). Le problème reste que l’hémoglobine est hydrosoluble mais pas les phospholipides et le cholestérol. Donc il s’agit de faire une « émulsion » (mélanger deux corps non miscibles) de ces éléments pour créer des petites billes (micelles) contenant en leur centre des molécules d’hémoglobine. Pour tout ce qui est des propriétés physiologiques de ces néohémocytes (coefficient fixation O2, CO2 etc…) je ne peux pas trop vous en dire plus.
5. Est ce que vous reproduisez des cellules souches pour fabriquer du sang ou est-ce que vous les prélevez sur un humain ?
Alors, dans le cadre de nos recherches oui nous utilisons des cellules souches humaines adultes. Pour être plus précis, nous utilisons de « HSCs » pour cellules souches hématopoïétiques. Ces cellules proviennent de moelle osseuse ou de sang de cordon ombilicale (il y en a également dans la circulation sanguine mais en trop faible quantité pour être utilisé en recherche). Le but de nos recherches est effectivement de produire des cellules sanguines in vitro en grand nombre (neutrophiles, lymphocytes, hématies...) mais avant d’atteindre cet objectif, nous avons décidé de travailler sur la résolution du problème du maintien de ces cellules souches en culture : c’est dire les maintenir indifférenciées en culture pour une durée infinie. Comme déjà évoqué précédemment, le problème avec ces cellules est, qu’à l’heure actuelle, nous ne pouvons pas les conserver plus de deux à trois semaines indifférenciées. C’est-à-dire, passé ce délai, les cellules souches vont se différencier d’elles-mêmes en différents types cellulaires sanguins sans que l’on puisse reverser ce phénomène. Donc en ce moment on travaille sur un projet de modification génétique de ces cellules souches hématopoïétiques par le biais d’utilisation de rétrovirus. En clair, nous avons identifié 6 gènes différents qui pourraient, si exprimés dans les cellules souches, forcer ces cellules à rester « souches » en culture pour un temps infini !!! c’est-à-dire que l’on pourrait disposer à tout moment de milliards de cellules souches sanguines et donc envisager la production d’hématies in vitro en quantité compatible avec la demande des hôpitaux.
6. Pour vous, quand est ce que le sang artificiel sera officiellement créé et implanté dans un corps humain ?
Le sang synthétique « chimique » a déjà été implanté à des patients. Voir le document joint.
Pour ce qui est de la production d’hématies humaines in vitro pour les transfusions sanguines, je ne sais pas vraiment quand !! mais j’espère être de la partie avec mes recherches !!! (lol)
7. Est que d’autres méthodes de fabrication du sang artificiel existent, autres que le ver, les cellules souches et les néohémocytes ?
Cf document. A ma connaissance non, mais je pense que les premières expériences avec des animaux humanisés (comme le porc ou singe) pourraient aboutir. (Humanisé = remplacement du système immunitaire de l’animal par le système immunitaire humain).
J’en profite pour clarifier les recherches sur le ver marin : je crois que l’on s’intéresse à son hémoglobine plus qu’à ses hématies. Donc les recherches sur ce point iront plus dans le sens artificiel comme pour vos néohémocytes.
8. Pour vous, quel est la meilleure méthode ?
Je ne peux pas réellement juger de quelle ou quelle méthode est la meilleure !!! Par contre je peux donner mon avis sur lesquelles, dans le futur, vont sans doute aboutir. Sur ce point, je penche dans un premier lieu sur les animaux humanisés. En second lieu, ce sera j’espère, lescellules souches hématopoïétiques adultes. Pourquoi ce choix ? Si je fais abstraction de mon intérêt de recherche dans ce choix, c’est parce que les débouchés seront énormes !!! plus de pénurie de sang (tournée générale de O- pour tout le monde), autogreffe (possibilité de traiter les leucémies avec les propres cellules du patient) et pourquoi pas reprogrammation de ces HSCs en cellules souches pluripotentes !!! et là, plus de frontières aux traitements envisageables…je vous laisse imaginer !!!
Merci pour cette interview !!!